Ce week-end nous avons eu LA vraie expérience québécoise, à savoir : la récolte de l'eau d'érable de manière traditionnelle et des rides de ski-doo en folie! Tu combines les 2 et c'est le week-end idéal :)
Récolte de l'eau d'érable de A à Z
L'art de la récolte et de la fabrication du sirop d'érable est appelée l'acériculture. Grâce à un ami québécois, une famille d'acériculteurs nous a accepté dans leur érablière de 5 hectares à Quyon (à 40 minutes de Gatineau). Je les remercie vraiment pour leur accueil chaleureux tout au long du week-end (oui nous sommes venus le samedi et le dimanche)!
C'est une érablière traditionnelle de petite taille puisqu'il y a seulement 500 entailles et les érables à sucre sont éparpillés parmi d'autres variétés d'arbre. Le processus de fabrication du sirop d'érable passe par de multiples étapes que je vais expliquer par la suite. Je pense aux non-initiés (notamment la plupart des français) qui croient que le sirop s'écoule directement de l'arbre alors que c'est loin d'être le cas!
1.Entaillage
La première étape de l'acériculture consiste à entailler les érables à sucre. Les entailles sont faites peu de temps avant la saison des sucres en perçant un trou dans le tronc à l'aide d'une mèche. Un tronc peut recevoir plusieurs entailles, cela dépend de son diamètre. Dans tous les cas, il faut attendre que le diamètre du tronc soit d'au moins 25 cm avant de l'entailler pour éviter que cela provoque une blessure trop importante pour l'arbre qui n'arriverait pas à s'en remettre en vieillissant. Une fois l'entaille faite, un chalumeau (petit drain en métal) est inséré à l'intérieur. Quand les conditions sont optimales l'eau s'écoule par le chalumeau pour être récoltée dans des chaudières (sortes de seaux en aluminium accrochés sous le chalumeau).
 |
| Chaudière accrochée à l'érable |
|
 |
| Goutte d'eau d'érable qui coule du chalumeau |
|
Quelles sont les conditions idéales pour pouvoir récolter l'eau d'érable?
La saison des sucres est très courte (environ 1 mois) et dépend
fortement de la différence de température entre la nuit et le jour. Pour
que l'eau coule des érables il faut que la nuit soit dans les
températures négatives et que la journée qui suit soit dans les
positifs. Ceci va provoquer le dégel de l'eau et du sucre qui va se mélanger à celle-ci en s'écoulant dans les chaudières.
2.Récolte en ski-doo
L'érablière que l'on a visité est restée traditionnelle car la récolte se fait toujours en vidant les chaudières qui sont accrochées directement sous les entailles traversées par des chalumeaux. Cependant la manière la plus traditionnelle pour la récolte est d'utiliser des chevaux pour acheminer les bidons d'eau d'érable. Ils sont maintenant remplacés par des motoneiges (appelés skidoo au Québec) puis des quads quand la neige se fait rare.
En ce qui concerne les érablières plus modernes et de plus grande taille, elles utilisent maintenant des réseaux de canules (tuyaux en plastique) branchés directement dans les arbres. Un système de pompe va permettre la succion de l'eau pour la récolter et l'emmener directement jusqu'à la cabane à
sucre.
Une fois récoltée, l'eau est portée à ébullition dans un évaporateur chauffée au bois et c'est plutôt rare de nos jours. Les érablières "industrielles" utilisent maintenant un chauffage au gaz ou au pétrole. La fabrication du sirop est automatisée et parfois contrôlable à distance! Vous allez voir que dans notre cas on était loin de l'ère numérique et tant mieux pour nous car c'est une expérience unique à faire et à voir!
Préparation de la cabane pour l'évaporation
On est arrivé vers 11h samedi matin et nous avons fait la connaissance de la famille d'acériculteur dont 3 générations étaient présentes ce jour-là. En amont de la récolte il est nécessaire de préparer tout le matériel et les matériaux qui seront utilisés pour faire fonctionner l'évaporateur. En effet, l'eau d'érable doit se récolter rapidement une fois écoulée puisqu'au contact de l'air des réactions chimiques se font et cela modifie la couleur et le goût du produit final. Il faut donc récolter les chaudières régulièrement (plusieurs fois par semaine) et ne pas tarder à faire bouillir l'eau.
Pour cette raison, le tracteur apprêté pour l'hiver a été sorti (cf la photo des chaînes sur les roues) pour ramener beaucoup de bois qui servira plus tard à alimenter le poêle sous l'évaporateur.
 |
| Stockage du bois dans la cabane |
|
 |
| Tracteur des neiges |
|
 |
| Petite chaîne pour roue de tracteur |
On a eu le droit par la suite à une petite explication du fonctionnement de l'évaporateur. L'eau d'érable qui est récoltée est stockée dans une grande cuve reliée par un tuyau à l'évaporateur. L'eau est chauffée le plus possible et va progressivement réduire par évaporation jusqu'à ce que le sucre soit suffisamment concentré pour devenir du sirop. Lors de l'évaporation la vapeur remplie la cabane qui se transforme alors en hammam même si une partie du toit est ouverte pour évacuer l'eau. Pour mieux comprendre il faut en moyenne 40L d'eau d'érable pour faire 1L de sirop d'érable.
L'eau se transforme en réduit puis en sirop au cours du processus. La vente du sirop est réglementée : pour les petites érablières il est possible de vendre directement au consommateur mais pour les grosses érablières ils revendent leur sirop uniquement au gouvernement. Dans les 2 cas le prix est fixé par le gouvernement. Cela permet d'avoir un cours du prix assez stable malgré des années difficiles puisque l'Etat va faire varier les stocks en fonction des saisons.
 |
| Evaporateur où l'on réduit l'eau en sirop |
Balade en motoneige et pause repas
Après la petite explication du fonctionnement de l'évaporateur j'ai bénéficié d'un petit tour en ski-doo à travers l'érablière. Là encore c'était la première fois que je montais sur cet engin et j'ai vraiment apprécié les sensations! Mon super conducteur m'a montré les différents arbres et on s'est arrêté pour gouter l'eau en la buvant directement au seau. Ça a un léger goût sucré, on a du mal à imaginer que ça va devenir du sirop. Comme il fallait encore attendre un peu avant de procéder à la récolte pour maximiser la quantité d'eau, nous sommes tous parti manger après la visite dans le chalet de la famille.
 |
| Chalet de la famille qui nous a accueilli |
Le repas englouti tout le monde a pu faire des tours de motoneige (en version sportive cette fois-ci pour faire augmenter notre adrénaline).
 |
| Ski-doo à fond les guidons! |
Récolte de l'eau d'érable
Il était ensuite venu le temps de partir à la récolte. Pour cela l'acériculteur a fabriqué un traineau qui s'accroche derrière le ski-doo. Il contient 2 gros fûts en plastique dont l'ouverture est protégée par des filtres en tissu pour éviter de verser les bêtes et les saletés tombées dans les chaudières. Il y a également une petite marche derrière le traineau pour permettre de transporter une personne de plus qui s'accroche debout aux bidons pour ne pas tomber.
 |
| Traineau du père Noël attelé au ski-doo, prêt à partir! |
Un deuxième ski-doo était également de sortie pour aller dans les endroits pas faciles d'accès et éviter aux gens de trop marcher quand il y avait beaucoup de distance entre 2 endroits de récolte. J'avoue, j'ai squatté au maximum la place arrière sur le ski-doo libre. On a donc récolté une par une les 500 chaudières en les vidant dans des seaux que l'on transvasait ensuite dans les grands barils noirs. Comme la température était assez élevée la neige était très collante et très molle, on s'enfonçait parfois jusqu'au dessus des genoux pour atteindre les chaudières, le port de raquettes aurait été approprié.
Après quelques heures à s'amuser dans la neige, les bras chargés d'eau d'érable, nous sommes tous revenu à la cabane à sucre vers 17h30. Au final après avoir rempli la cuve reliée à l'évaporateur, nous avons pu voir que nous avions récolté 680L d'eau d'érable dans la journée!
3. Fabrication à l'ancienne du sirop d'érable
Le lendemain on s'est tous retrouvé pour faire bouillir notre récolte. Les propriétaires ont démarré le poêle à bois à 7h15 du matin et nous sommes arrivés vers 11h. Lors de la première chauffe de la saison il faut beaucoup de temps avant que la "machine" se mette en route, il n'y avait donc pas encore de sirop de prêt quand nous sommes arrivés.
L'évaporation
L'évaporateur est constitué de 3 compartiments qui contiennent eux-mêmes des cloisons afin de faire passer l'eau le plus longtemps possible dans chaque compartiment. Le premier compartiment est le plus grand, il contient 3 cloisons, l'eau en chauffant va réduire de plus en plus en serpentant parmi les cloisons jusqu'à atteindre le deuxième compartiment.
 |
| Premier compartiment de l'évaporateur |
|
Lorsque l'eau d'érable bout, de la mousse se crée, il faut donc écumer régulièrement. Une petite louche contenant de l'huile de carthame est également accrochée sur l'un des compartiments. La mousse qui déborde va tomber sur l'huile qui a pour effet de calmer l'ébullition et de faire baisser instantanément le niveau de mousse.
 |
| Mousse débordant sur l'huile de carthame |
|
 |
| Ravitaillement du poêle sous l'évaporateur |
|
Quand l'eau arrive dans le deuxième compartiment on peut considérer qu'une grande partie de l'eau est évaporée, le produit s'appelle dorénavant le réduit d'érable. Une fois le réduit arrivé au troisième et dernier compartiment il est de plus en plus chargé en sucre jusqu'à ce que la température et la viscosité soient parfaites pour récupérer le sirop. La famille nous a proposé de prendre un verre de réduit d'érable, expérience assez rare ici puisque le réduit n'est pas vendu au public.
 |
| Tasse remplie de réduit d'érable juste sorti de l'évaporateur |
Cela consiste en gros à boire du sirop d'érable chaud, vous imaginez donc que le taux de sucre dans le sang a fait un bond! Mais qu'est ce que c'est bon !
Pour vérifier si le sirop est prêt, le grand-papa utilise une casserole qu'il plonge dans le sirop, il la ressort et la vide. Quand le sirop est bon, les dernières gouttes de la casserole deviennent très visqueuses en refroidissant au contact de l'air. En théorie la température doit atteindre 104°C pour que le sirop soit prêt mais en pratique c'est à l’œil que ça se passe!
 |
| Test de la casserole pour la viscosité |
|
 |
| Cheminée du poêle et sortie de la vapeur par le toit ouvert |
|
Nous avons remarqué que dans notre tasse de réduit, plus celui-ci refroidissait et plus un dépôt se formait au fond de la tasse. Ceci est un procédé normal qui se manifeste dès que le sirop bout. Les étapes suivantes doivent donc empêcher le sirop de bouillir pour éviter une nouvelle précipitation.
La filtration et la stérilisation
Lors de la première récolte de la saison l'eau n'est pas encore trop chargée en sucre il faut donc beaucoup plus d'eau que d'habitude pour obtenir un litre de sirop. Pendant la matinée presque la totalité de la cuve d'eau récoltée a été utilisée pour fabriquer le premier lot de sirop de la saison. Comme il ne restait plus beaucoup d'eau à faire bouillir, ils ont décidé d'arrêter de chauffer en éteignant le poêle et de retirer le dernier compartiment pour le vider entièrement afin d'éviter qu'il ne brûle. Normalement le processus se fait en continu et le sirop est vidé au fur et à mesure par la vanne située sur le côté du compartiment.
Le contenu du 3ème compartiment a été vidé dans un bidon muni d'un double filtre. Une fois le sirop filtré il n'est plus question de le bouillir à nouveau puisqu'il créerait encore un dépôt non désiré dans les cannes (boîtes de conserve). Par contre il est nécessaire de faire chauffer le sirop une dernière fois dans un bain-marie afin d'atteindre une température de 87°C et pouvoir stériliser les cannes quand on le verse dedans.
 |
| Filtration du sirop |
|
 |
| Sirop versé au bain-marie |
|
Pour savoir si la température est assez élevée, il y a un thermomètre dans le sirop ainsi qu'une sonde qui mesure le degré de sucre (degré brix).
 |
| Remplissage de la jauge de sucre |
|
 |
| Dans le bain-marie |
|
L'embouteillage et le sertissage
Lorsque le sirop a atteint 87°C, il est versé directement dans les cannes préparées à l'avance. Celles-ci sont ensuite serties avec le couvercle grâce à une sertisseuse motorisée.
 |
| Remplissage des cannes |
Petite précision au niveau des cannes. Peut-être avez-vous remarqué que les contenants se ressemblent tous en magasin (que ce soit les cannes en alu ou les bouteilles en verre ou en plastique beige). En tant que français on a donc l'impression qu'il s'agit de sirop d'érable industriel ou même qu'il n'y a qu'un seul gros producteur de sirop d'érable! Mais en fait il y a seulement 2 fournisseurs principaux de cannes en métal au Canada. Comme le gouvernement achète le sirop, il n'y a donc pas besoin de se remarquer par le design et les logos publicitaires sur les boîtes. Les 2 modèles très connus sont donc celui sur la photo ci-dessus (avec le dessin bleu) et une boîte aux couleurs orangées. Les producteurs apposent ensuite leurs étiquettes sur les boîtes de conserve pour montrer l'origine du sirop ainsi que la couleur (clair, medium ou ambré).
Revenons au sertissage des cannes : après remplissage le niveau est ajusté afin de pouvoir mettre le couvercle sans que cela déborde. Les cannes sont serties aussitôt après puis renversées à l'envers pour que le couvercle soit également stérilisé par la chaleur.
 |
| Ajustement du niveau de sirop |
|
 |
| Sertissage dans la "canneuse" |
|
13 cannes de sirop ont pu être faites avec la quantité de sirop obtenue. Elles ont été rapidement plongées dans la neige pour les refroidir.
 |
| Lot de cannes à l'envers |
|
 |
| Refroidissement des cannes juste serties |
|
La législation oblige les acériculteurs à définir la couleur de chaque lot de sirop. Ils ont donc un kit spécial pour comparer les couleurs avec 3 étalons (1 clair, 1 medium, 1 ambré). Le sirop qui a été fabriqué étant un peu plus foncé que l'étalon clair le sirop est par conséquent considéré comme du sirop médium.
 |
| Étalonnage de la couleur de notre sirop (tube au bouchon noir) |
Finalement il était l'heure de quitter la petite famille et l'odeur de fumée de bois pour repartir avec notre canne de sirop vers Gatineau. Quel bonheur de repartir avec un produit dont on a vu la production du début à la fin! Le goût en est que meilleur! Et en fait l'odeur de fumée de bois nous a suivi chez nous...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire